4 raisons fondamentales de ne pas acheter des valeurs bancaires

Depuis le Brexit, le secteur bancaire se refait une belle santé en Bourse. La perspective que la FED remonte ses taux d’intérêt en novembre ou décembre, et la BCE et la BOJ ne soient plus agressives sur les taux négatifs constituent des catalyseurs positifs de court terme pour ce secteur qui est mal vu par les investisseurs depuis 2008. Voyant leurs cours de Bourse prendre de l’ampleur à la hausse, y a-t-il de bonnes raisons d’acheter des valeurs bancaires. D’un point de vue fondamental, il faut être idiot de s’aventurer et cela se voit en faisant preuve de bon sens. Du côté de l’analyse technique dont la sphère sera limitée sur les banques françaises, tout dépend de l’unité de temps que vous traitez.

Un business model incompréhensible et attaqué pour de bonnes raisons

La première raison fondamentale qui doit vous inciter à être prudent sur un investissement à l’achat des valeurs bancaires est leur manque de visibilité sur leur business model. Le secteur bancaire est complexe à comprendre pour l’investisseur parce qu’il rassemble plusieurs segments d’activité : banque de détail, banque de financement et d’investissement, gestion d’actifs, gestion back office, opérations bancaires, etc.

Pour chacun, il y a trop d’intermédiaires avec des produits et services peu compétitifs pour répondre aux exigences de la satisfaction client. Les habitudes des consommateurs ont également changé. En effet, ils viennent de moins en moins dans les agences bancaires qui deviennent petit à petit un poids financier plutôt qu’un avantage concurrentiel, consultent régulièrement leur compte sur Internet et savent que leurs conseillers ne sont pas les mieux placés pour donner des conseils patrimoniaux précis.

La réalité est que le secteur bancaire est bien dans une spirale déflationniste avec une surcapacité dans certains segments d’activité (banque de détail en particulier). Pour affronter la vague de la transformation digitale qui est en quelque sorte une innovation de rupture, il y a du pain sur la planche. Les fintechs sont potentiellement plus aptes pour répondre à cette tendance de fond. Elles utilisent la technologie sur un service existant dans le monde bancaire en apportant un bénéfice supérieur aux clients à un coût peu élevé. Ce qui est salutaire à moyen-long terme, c’est que ses nouveaux acteurs s’incrustent sur l’ensemble des métiers, en particulier dans le mode de paiement.

Faible rentabilité = Crainte sur leur business model

La seconde raison fondamentale pour ne pas investir sur les valeurs bancaires est leur faible rentabilité par rapport aux capitaux propres après la crise de 2008.. Ses dernières mettent sur le compte du durcissement réglementaire, fiscale et législative alors qu’elles ont fait le travail nécessaire pour respecter les critères de Bâle 3. Concernant leur solvabilité, la méfiance reste de mise parce que la réalité n’est pas si rose si vous avez la lucidité d’analyser leur bilan financier entre les lignes.

En regardant de plus près, les banques too big to fail ont peur de bouleverser leur business model parce que la transformation digitale est un concept de destruction créatrice et les coûts de restructuration sont importantes pour s’adapter à cette donne du nouvel ordre mondial industriel. Il n’est pas étonnant de voir régulièrement des suppressions d’emplois au sein de ce secteur pour cette raison peu divulguée dans les médias.

Rentabilité sur capitaux propres des banques françaises et américaines : Est-ce que ça donne envie d’acheter des valeurs bancaires sur le long terme ?

2006 2007 2010 2011 2012 2013 2014 2015
BNP Paribas 14,76 % 14,54 % 10,51 % 8,03 % 7,68 % 5,51 % 0,18 % 6,95 %
Crédit Agricole 14,16 % 9,94 % 8,44 % 5,07 % 1,6 % 4,02 % 4,85 % 6,78 %
Société Générale 17,96 % 3,48 % 0,08 % -3,43 % -0,4 % 0,17 % 4,68 % 6,53 %
Bank of America 17,83 % 10,42 % -0,98 % 0,63 % 1,77 % 4,91 % 1,99 % 6,2 %
Citigroup 18,49 % 3,07 %  6,49 % 6,22 % 3,99 % 6,68 % 3,48 % 7,77 %
Goldman Sachs 29,47 % 29,03 % 10,8 % 6,31 % 9,87 % 10,25 % 10,24 % 7,01 %
JP Morgan 12,95 % 12,86 %  9,86 % 10,23 % 10,43 % 8,47 % 9,38 % 9,87 %
Wells Fargo 19,46 % 17,23 %  9,78 % 11,32 % 11,99 % 12,86 % 12,5 % 11,86 %
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Malgré les bonnes intentions des banques françaises et américaines pour s’adapter à la transformation digitale, leurs chiffres de rentabilité peinent à suivre et ne parviennent pas à renouer avec les niveaux d’avant-crise même si les temps ont bien changé. Le constat est qu’elles ne prennent pas des initiatives concrètes. À terme, on peut se demander où se trouve la création de valeur pour l’actionnaire. Sans chercher à jouer les oiseaux de mauvaise augure, je me fais beaucoup de soucis pour les particuliers qui possèdent des actions bancaires au nominatif ou au porteur.

Lors du salon Viva Technology à Paris en juin 2016, j’ai eu la chance de discuter avec Nicolas Gonzalez, l’un des fondateurs Fundvisory qui a travaillé dans le passé dans une institution bancaire et à la BCE. Il m’a confié que la structure très hiérarchique du secteur bancaire empêche l’innovation en plus des liens très forts avec les banques centrales et les États.

Le poids important du shadow banking

Peu cité dans les médias financiers, le shadow banking (système financier sans surveillance du circuit réglementaire) a connu une croissance fulgurante après la crise de 2008. Selon le dernier rapport du Conseil de Stabilité Financière, il pèse 90 % du système financier mondial dans 26 pays recensés. Les taux d’intérêt à zéro ont contribué à son essor et favorisé la spéculation à crédit sur des actifs financiers à haut risque. Les prêts qui sont octroyés à ce jour, ne proviennent pas du circuit bancaire mais des acteurs du shadow banking ou des activités hors bilan des banques qui échappent à l’usine à gaz réglementaire. Si ces derniers en profitent malgré les risques potentiels, c’est qu’ils empruntent bas pour prêter plus cher pour se faire une marge. Pas besoin d’un doctorat de finance pour comprendre leur jeu.

Relation banques et shadow banking

L’autre raison de la croissance rapide du shadow banking est le niveau d’exigence réglementaire dans les bilans des banques dont les actifs de bonne qualité sont acceptés comme collatéral et peuvent être incorporés dans les capitaux propres par la méthode de la pondérations des actifs. Ce qui les empêchent de se financer à court terme en échange d’un actif de faible ou moyenne qualité. Grâce à cette règle qui met en difficulté les banques, le shadow banking profite sans limite du marché du financement à court terme pour spéculer à tout-va à condition que les taux d’intérêt restent proches de zéro.

Pour enfoncer le clou sur l’opportunité d’acheter des valeurs bancaires au niveau fondamental, leurs activités sont interconnectées directement ou indirectement avec celles du shadow banking. Leurs relations directes existent à travers les activités d’intermédiation du crédit qui sont des structures hors bilan fondées par les banques. Quant aux relations indirectes, elles se produisent quand des banques et des institutions financières non-bancaires investissent en même temps sur des actifs financiers similaires, ou bien possèdent des risques de contrepartie communs. Malheureusement, elles sont difficilement vérifiables dans les documents de référence mais faut-il s’étonner quand on parle de finance de l’ombre. Au niveau géographique, les États-Unis détiennent la plus grosse part de marché du shadow banking qui avoisine 82 % du PIB en 2014.

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Des augmentations de capital à la pelle

Les augmentations de capital des banques ne sont pas rassurantes parce qu’elles ne servent pas à financer des nouveaux relais de croissance mais ont pour objectif de répondre aux critères de solvabilité de Bâle 3 (bientôt Bâle 4). À l’évidence, cela ne fait pas plaisir aux actionnaires qui voient une dilution de leur capital. Autant rester à l’écart du secteur bancaire. La vérité est que les banques sont des value trap.

Le dernier stress test sur le secteur bancaire est comme d’habitude une arnaque même les médias mainstream se posent des questions. Si vous avez lu mon article sur leur manque de solvabilité réelle, vous constatez que les banques européennes doivent être recapitalisées à tout prix. Plutôt de pointer du doigt les banques italiennes et la Deutsche Bank, les banques françaises ne sont pas forcément les mieux placées contrairement à ce qu’on veuille vous faire croire.

Deutsche Bank : La chute sans fin mais pas une surprise

Les déboires de la banque allemande s’enchaînent avec la possibilité d’une recapitalisation via l’aide de l’État même et une amende potentielle de 14 milliards de dollars dans la crise des subprimes. Est-ce surprenant ? Plutôt d’aller dans le détail, l’évolution de son cours de Bourse nous donne un indice pertinent. Beaucoup d’experts boursiers et économiques font la comparaison avec Lehman Brothers. La laisser tomber me semble difficile d’un point de vue politique pour Angela Merkel car elle a une activité de détail contrairement à la banque américaine.

analyse technique deutsche bank hebdo

Par ailleurs, leur exposition astronomique sur les produits dérivés à 72000 milliards de dollars correspond à 6000 milliards près, à l’équivalent du PIB mondial en 2014. Ainsi, Deutsche Bank est un problème systémique. Si l’État allemand lui vient en aide, je vois mal des investisseurs de long terme venir à son secours.

Que nous dit l’analyse technique sur les banques françaises

Même si les banques françaises s’en sortent un peu mieux, le retournement de tendance à la hausse n’est pas d’actualité. Les 3 valeurs bancaires du CAC 40 restent engluées dans un biais baissier ou neutre en unités hebdomadaires. Néanmoins, les unités inférieures en journalier peuvent présager d’un avenir boursier radieux au moins à court terme.

BNP Paribas : Un retour vers la zone 60-61 € ?

analyse technique bnp hebdo q3 2016

En unités hebdomadaires, le biais reste baissier parce que le cours bute sur sa droite de tendance baissière et doit faire face à une zone de résistance majeure entre la SSB et la ligne de cou de l’épaule-tête-épaule sans oublier le Kumo (Nuage coloré d’Ichimoku). Toutefois, il y a une divergence haussière du RSI qui demande à être confirmée.

analyse technique bnp jour q3 2016

En unités journalières, si le cours qui est-au dessus du Kumo, s’affranchit de la droite de tendance baissière et de l’avant-dernier point d’appui à 50 € alors l’horizon s’éclaircirait. Un premier objectif à 54 € serait visé. Dans l’éventualité d’une poursuite à la hausse, un deuxième objectif à 57 € peut être envisageable. Enfin, la résistance fatidique à 60 € serait un niveau clé où des vendeurs à découvert pourraient s’immiscer parce qu’il n’a pas été franchi depuis 2008.

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Crédit Agricole : Pas très joyeux sur le long terme malgré un potentiel de hausse

analyse technique credit agricole hebdo q3 2016

Le cours tente timidement de casser la droite de tendance en unités hebdomadaires avec un RSI en divergence haussière. Malgré une cassure potentielle, il y a des résistances à franchir dont la ligne de cou de l’épaule-tête-épaule et la SSB à 11 €.

analyse technique credit agricole jour q3 2016

Si le potentiel à la hausse reste intéressant à parier, la SSB à 11 € en hebdo constitue à une résistance majeure en unités journalières.

Société Générale : La banque française qui a plus de soucis à se faire

analyse technique societe generale hebdo q3 2016

La configuration graphique en unités hebdomadaires est nettement baissière malgré un RSI en divergence haussière. Si le cours casse la Kijun alors cela risque d’être très chaud. La banque de Kerviel avait prévenu les marchés qu’elle ne confirmait pas les objectifs de retour sur capitaux de propres à 10 % pour fin 2016.

analyse technique societe generale jour q3 2016

En unités journalières, les choses se gâtent car son cours de Bourse a brisé la droite de tendance haussière de court terme. Pour l’instant, il a réussi à prendre appui sur le Kumo. Contrairement à ses deux concurrents, la banque de Kerviel n’est pas parvenue à combler le gros trou d’air du Brexit.

En guise de conclusion sur l’analyse technique du secteur bancaire, voici une vidéo qui démontre que prendre des positions à l’achat sur le long terme reste tendu.

Peu de catalyseurs fondamentaux sains pour acheter des valeurs bancaires

Les résultats financiers des banques après la crise des subprimes ne sont pas à la hauteur des attentes. Le marché interbancaire est malade depuis plusieurs années. Ce qui signifie que les banques se méfient entre elles.

Personnellement, j’ai l’impression qu’elles ont peur de repenser en profondeur leur business model et se contentent de faire quelques ajustements. Leur mode de fonctionnement historique est probablement un handicap pour affronter les nouveaux défis technologiques. Par exemple, la blockchain est sur le point de mettre à mal leurs activités d’intermédiation. Même si les banques ont conscience de cette nouvelle donne, la compétition risque de s’accélérer à vitesse grand V.

Les investisseurs avisés savent pertinemment que l’adaptation du business model du secteur bancaire prendra beaucoup de temps pour avoir les premiers effets positifs. Pour enfoncer le clou, elles sont encore plus too big to fail après la crise des subprimes en raison du poids des produits dérivés et du lien avec le shadow banking.

Acheter des valeurs bancaires alors que les leçons du passé ne sont pas retenues, s’avère très risqué sachant que la volatilité sur les marchés financiers est de retour et montera probablement en puissance. Je me demande si une consolidation de ce secteur serait salutaire pour stopper la spirale déflationniste malgré les faibles synergies. Le président de la BCE, Mario Draghi a compris l’enjeu du problème en mettant en garde sur la surcapacité qui comprime les marges à la baisse. Au niveau politique, cela risque de jaser.

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